- FOSSES OCÉANIQUES
- FOSSES OCÉANIQUESLes fosses océaniques se définissent par leur profondeur, qui dépasse celle de la moyenne des grandes plaines abyssales (4 800 m), leur allongement sur plusieurs centaines de kilomètres et leur relative étroitesse, de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres. Les fosses océaniques ne constituent cependant qu’une très faible proportion des grands fonds: le submersible Nautile (photographie no 1), construit pour plonger à des profondeurs de l’ordre de 6 000 mètres, a porté le nom de prototype «SM 97», ce qui signifiait sous-marin pour 97 p. 100 des fonds océaniques, dont, en effet, seulement 3 p. 100 dépassent 6 000 mètres de profondeur.Ces singularités sont liées à des accidents tectoniques, d’ailleurs soulignés par des caractères géophysiques particuliers, au premier rang desquels on peut citer: le déficit de gravité, qui se traduit par un gonflement de la surface de la mer au-dessus des fosses – reconnaissable par les satellites altimétriques Seasat, Geosat, E.R.S., Topex-Poseidon... – qui a permis de resituer la plupart des grandes fosses océaniques (cf. océan PACIFIQUE, hors-texte); l’intense activité sismique, avec des modalités qui diffèrent selon la nature des fosses.Deux processus principaux donnent naissance aux fosses océaniques (fig. 1): l’accrétion , ou expansion océanique, qui dessine les rifts médio-océaniques et les dépressions liées aux failles transformantes qui les recoupent (cf. DORSALES OCÉANIQUES, TECTONIQUE DES PLAQUES); la subduction océanique, qui détermine des fosses proprement dites au niveau de la subduction, ainsi que des fossés au-dessus et en arrière de celle-ci [cf. SUBDUCTION].On retiendra ici la définition générale de fosse, confortée par l’usage; à la suite de la langue anglaise, qui utilise les mots trench pour les fosses de subduction et trough pour les fossés au-dessus des zones de subduction ou indépendants de celles-ci, on a essayé d’utiliser en français le terme «tranchée» – pour trench –, qui n’a pas eu de succès. De toute façon, même en anglais, une certaine imprécision du vocabulaire demeure et certaines fosses de subduction sont qualifiées de troughs (par exemple, le Nankai trough , au long du Japon méridional), tandis que des trenches ne sont pas des fosses de subduction (par exemple, la Cayman trench , dans la mer des Caraïbes, qui est un ensemble rift-faille transformante).1. Rifts médio-océaniques et fosses associéesLe phénomène actif est l’expansion océanique par laquelle naît la croûte océanique juvénile qui s’accrète aux plaques océaniques de façon à en augmenter la dimension (d’où le nom de phénomène d’accrétion ). La structure fondamentale de ces fosses est liée à l’extension au niveau des rifts ou au coulissage au niveau des failles transformantes.Rifts médio-océaniquesL’extension caractérise les rifts médio-océaniques , qui forment une dépression de 4 000 mètres de profondeur moyenne; cette dépression crève les dorsales médio-océaniques en leur axe, d’une manière continue sur près de 60 000 kilomètres au travers de tous les océans du monde. La morphologie de ces rifts est celle de fossés faillés – avec des miroirs de faille regardant vers l’axe du rift –, parfois étroits (quelques centaines de mètres), parfois plus larges (quelques dizaines de kilomètres). Dans l’axe se trouvent des zones de volcanisme sous-marin, constituées de volcans, de coulées donnant naissance à des pillow lavas (ou laves en coussins) basaltiques qui sont les premiers témoins de la croûte juvénile néoformée (photographie no 2); en d’autres endroits, des bouches hydrothermales laissent monter des fluides dont la température dépasse souvent la température critique de l’eau (photographie no 3). Depuis la campagne F.A.M.O.U.S. (French American Mid Ocean Undersea Survey , 1973-1974), l’exploration des rifts médio-océaniques s’est beaucoup développée grâce, en particulier, aux observations effectuées à partir des submersibles Alvin (américain) et Cyana SP-3000 (français). Toutes les campagnes ont confirmé le modèle d’un rift faillé plus ou moins étroit avec, en son axe, des alignements de zones volcaniques actives ou récemment mises en sommeil, et de zones hydrothermales actives ou fossiles. Les plus célèbres de ces campagnes – outre la campagne F.A.M.O.U.S. dans le rift médio-atlantique au large des Açores, qui fut la première du genre (fig. 2) – ont été celles qui ont permis de découvrir les faunes des grandes profondeurs associées aux venues hydrothermales: les campagnes Rita (de Rivera et Tamayo, deux noms de failles transformantes) et Cyamex (de Cyana et Mexico) sur la ride est-pacifique, à son entrée dans le golfe de Californie, au cours desquelles furent découvertes ces faunes; la campagne Searise, également sur la ride est-pacifique dans les entours des Galápagos (photographie no 4), etc. Ces faunes de profondeur, qui comportent des colonies de vers (Pogonophora ), de mollusques (Calyptogena ), de crustacés et d’échinodermes associés, ont fait l’objet de nombreuses études dans la mesure où elles sont localisées et entretenues par une chaîne chimiosynthétique partant des sulfures. Bien qu’il s’agisse, dans l’état actuel des choses, de faunes d’origine superficielle «capturées» au cours du temps et conservées dans les grandes profondeurs, on a cependant émis l’hypothèse que la vie aurait pu naître dans ces conditions, sans avoir recours à l’énergie solaire comme on l’admet généralement.Fosses associées aux failles transformantesLe coulissage caractérise les failles transformantes , qui déterminent, perpendiculairement au rift, des dépressions étroites et allongées à structure complexe (fig. 2): on y rencontre fréquemment les termes assez profonds de la croûte océanique exposés à la faveur des failles et, plus souvent encore, des brèches qui mêlent les différents termes de la croûte océanique avec les sédiments situés au-dessus; l’ensemble de ces observations témoigne du jeu coulissant de ces failles, du moins à leur naissance. Peu de ces dépressions ont suffisamment d’individualité pour avoir été homologuées comme fosses, à l’exception cependant des endroits où elles croisent les rifts médio-océaniques, qui se trouvent approfondis d’autant: tel est le cas de la fosse de la Romanche, qui atteint 7 800 mètres à la croisée entre le rift médio-atlantique et la faille de la Romanche, qui appartient à la famille des failles transformantes de l’Atlantique équatorial (cf. R, fig. 1).Une mention spéciale doit être faite du dispositif rift-faille transformante, là où il est naissant, par exemple au niveau de la mer Rouge ou du golfe de Californie (mer de Cortés). Dans ces deux cas, l’étroit golfe est déterminé par une succession de bassins qui correspondent à des segments de rift médio-océanique décalés par des failles transformantes. Le dispositif mer Rouge-golfe d’Aden souligne clairement la double direction du rift et des failles transformantes associés (fig. 1). Ces dispositifs naissants passent axialement à des zones intracontinentales (cf. infra ) qui annoncent préférentiellement soit l’expansion océanique (rifts est-africain, mer Rouge, golfe de Suez), soit les coulissages transformants (faille du Levant, faille de San Andreas; cf. FL et FSA, fig. 1).Caractères géophysiquesLes rifts et failles transformantes associés ont des caractères géophysiques bien particuliers. Au-delà du déficit de gravité qu’ils ont en commun avec toutes les fosses, ils sont le siège d’un flux de chaleur élevé qui exprime la remontée du manteau au niveau des rifts pour donner naissance à la croûte océanique. La sismicité, qui caractérise des mouvements horizontaux de coulissage, est limitée aux segments de failles transformantes compris entre deux éléments de rift, ce qui est la seule partie dans laquelle les mouvements de plaque se contrarient. C’est d’ailleurs cette particularité qui avait permis à J. Tuzo Wilson de définir les failles transformantes. En fonction des inversions périodiques du champ magnétique terrestre, les rifts médio-océaniques sont bordés d’anomalies magnétiques alternativement directes et inverses, symétriques par rapport à l’axe du rift, mais décalées par les failles transformantes (cf. GÉOMAGNÉTISME, TECTONOPHYSIQUE).L’ensemble de ces caractéristiques, à l’exception du déficit de gravité – encore qu’il soit moindre –, les différencie très bien des fosses de subduction.2. Zones de subduction et fosses associéesLa subduction détermine deux catégories de dépressions sous-marines: les premières sont situées au niveau de la subduction ellemême; ce sont les fosses proprement dites (trench , en anglais); les secondes se placent au-dessus des plans de subduction, en arrière des arcs insulaires, et sont plutôt des fossés (trough , en anglais) qui s’élargissent souvent en mers marginales [cf. MERS MARGINALES]. Ce sont les fosses de subduction qui atteignent les plus grandes profondeurs (près de 11 000 m dans la fosse des Mariannes).Ces dispositifs constituent, à l’échelle du globe, deux ensembles principaux associant fosse de subduction, arc insulaire, fossé et/ou mer marginale (fig. 1): un ensemble péripacifique , lié d’une manière plus ou moins complexe à la subduction de cet océan sous les marges des continents qui le bordent; un ensemble téthysien , selon le nom de l’ancien océan aujourd’hui disparu qui, des Antilles à l’Indonésie, séparait les continents septentrionaux des continents méridionaux [cf. TÉTHYS]. Le premier ensemble est le plus riche, car l’état actuel du Pacifique est caractérisé par la subduction; le second l’est moins car, en beaucoup de secteurs, la subduction y a laissé place à la collision entre continents; ce n’est qu’en quelques régions, dont la plus spectaculaire est l’Indonésie, que la subduction est encore active. De plus, il faut ajouter un ensemble atlantique , relativement récent, marqué par la subduction des Antilles au niveau de la fosse (ou ride en d’autres endroits) de la Barbade et la subduction de l’arc de la Scotia dans l’Atlantique sud, que Eduard Suess reconnaissait déjà, en 1883, comme... Antilles australes!Fosses de subductionOn distingue dans les fosses de subduction (fig. 3 et 4) un mur externe , qui correspond à l’endroit où la plaque océanique plonge vers la fosse, et un mur interne du côté de l’arc insulaire; ce dernier est souvent divisé en terrasses parmi lesquelles on reconnaît généralement une terrasse supérieure, une terrasse moyenne et une terrasse inférieure. Mais ce dispositif peut être plus complexe ou au contraire plus simple, comme lorsque le mur interne n’est qu’une pente continue, plus ou moins abrupte, depuis un étroit plateau continental jusqu’à la fosse.La fosse se situe à l’endroit où la plaque océanique «tombe» en subduction, entraînée par son propre poids et par la convection dans le manteau; cela est dû au fait que, en se solidifiant, la croûte océanique acquiert une densité supérieure à celle de l’asthénosphère qui la supporte et qui est à l’état – partiellement – liquide. Il se développe ainsi, à mesure que la lithosphère océanique s’épaissit en s’éloignant du rift où elle est née, une tendance de plus en plus grande à l’effondrement, qui finit par se produire lorsque le couple de forces verticales devient trop grand. L’image qui suppose que la subduction pourrait résulter d’un enfouissement actif de la plaque océanique «poussée» à partir des zones d’accrétion n’est pas exacte: partout, la limite de la plaque océanique à l’entrée dans la fosse est marquée par des failles normales (directes) effondrant la croûte océanique; parfois, ces effondrements sont spectaculaires, comme au niveau de la fosse du Japon, où le mont sous-marin Kashima est découpé par une faille puissante qui effondre son compartiment ouest de plus de 1 500 mètres dans la fosse du Japon, avant le contact de subduction (fig. 3 et photographies nos 5 et 6). De telles observations ont été multipliées dans la fosse des Mariannes, la fosse des Tonga, etc.: c’est un système de failles normales qui forme le mur externe et limite la fosse du côté océanique.La direction générale de la fosse n’est pas commandée par la structure de la plaque océanique, mais par celle de l’arc insulaire; en effet, très souvent, la structure propre de la plaque océanique est oblique par rapport à la fosse. Ainsi en est-il dans la fosse d’Amérique centrale (fig. 4), divisée en une succession de bassins losangiques séparés par des seuils, qui correspondent respectivement à l’entrée en subduction des grabens de la plaque océanique pour les bassins, et des horsts intermédiaires pour les seuils; les grabens et les horsts ont une direction oblique par rapport à la fosse, mais ils sont parallèles aux anomalies magnétiques liées à la genèse de la croûte océanique. De tels dispositifs ont été retrouvés dans de nombreuses fosses, qui sont en fait une succession de bassins.La largeur de la fosse dépend de la vitesse et de l’inclinaison du plan de subduction, mais aussi de l’importance de la sédimentation. Lorsque les apports détritiques sont très importants – par exemple, aux latitudes élevées, à partir de l’alimentation glaciaire –, la fosse est noyée sous une couverture sédimentaire qui forme un fond plat plus ou moins large; dans les régions où les apports sédimentaires sont moindres, les détails de la morphologie de la fosse apparaissent plus clairement comme les bassins successifs qui la constituent. Enfin, la fosse peut être réduite en largeur par des glissements de terrain sur la pente interne de l’arc insulaire, comme c’est le cas, par exemple, dans la fosse du Japon (fig. 3). Ainsi, de celle-ci à la fosse des Kouriles, on oppose une fosse large à fond plat remplie de sédiments (fosse des Kouriles) à une fosse étroite, formée de bassins successifs qui se relaient les uns les autres, réduite par les glissements de terrain sur la pente de l’arc insulaire (fosse du Japon).Le mur interne de la fosse, insulaire ou continental, présente deux morphologies principales.Dans un premier cas, lorsque le remplissage sédimentaire est important et l’inclinaison du plan de subduction faible, les sédiments de la fosse entrent difficilement en subduction: ils se décollent, se redoublent et s’accumulent en autant d’écailles, de la plus récente à la base vers la plus ancienne au sommet, en dessinant un prisme d’accrétion dont la structure évolue progressivement du bas vers le haut de la pente, depuis des plissements faibles jusqu’aux premiers écaillages d’unités qui vont s’empiler. Ce dispositif, qui a été reconnu dans les profils sismiques multitraces de nombreuses fosses, a été rencontré lors d’un forage situé dans la fosse de la Barbade au large des Antilles, et reconnu en plongée sous-marine par les submersibles Cyana dans la fosse hellénique (photographies nos 7 et 8) et Nautile dans la fosse de Nankai, au sud du Japon (cf. fig. 1 de TECTONOPHYSIQUE; le profil sismique multitrace présenté sur cette figure montre que, si une partie des sédiments océaniques suit la croûte océanique dans la subduction, la partie superficielle se décolle, se plisse, se rompt en accidents tectoniques qui se superposent les uns aux autres en un prisme d’accrétion qui soulève la marge du Japon).Dans un second cas, lorsque le remplissage sédimentaire est faible et l’inclinaison du plan de subduction forte, les sédiments sont entièrement subductés sous la marge insulaire – ou continentale – qui «rattrape» la dépression ainsi creusée en s’effrondrant vers la fosse: la pente interne forme alors une série de gradins limités par des failles normales (fig. 5). Du point de vue géométrique, la fosse apparaît alors comme un fossé limité sur ses bords par des failles normales; à ceci près que la constitution des murs interne et externe est totalement différente et que la plaque océanique passe sous l’arc insulaire: l’allure en fossé n’est donc qu’une apparence.Toutes les fosses océaniques se placent entre ces deux extrêmes; dans le cas le plus courant, les deux phénomènes coexistent et une partie de la couverture sédimentaire dessine un maigre prisme d’accrétion, tandis que l’essentiel passe dans la subduction. La situation d’une même fosse peut d’ailleurs évoluer axialement en fonction de son remplissage sédimentaire, ce qui semble être le cas de la fosse de la Barbade, qui passe à la ride du même nom vers le sud, là où les apports sédimentaires de l’Orénoque et de l’Amazone vont en augmentant.Ainsi, dans les marges actives, les phénomènes de compression ou d’extension, suivant le cas, prédominent dans le mur interne de la fosse; on les répartit donc en marges convergentes compressives – avec prisme d’accrétion – et marges convergentes extensives – sans prisme d’accrétion (cf. ARCS INSULAIRES, MARGES CONTINENTALES).Dans les unes comme dans les autres, les sédiments qui s’engagent dans la subduction sous la marge continentale – ou insulaire – sont l’objet de surpressions qui vont jusqu’à équilibrer la charge lithostatique (poids de la colonne de terrain située au-dessus de la subduction); cela explique la relative facilité du processus de subduction. Ces surpressions affectent les fluides interstitiels qui s’échappent au travers des terrains poreux et/ou fracturés; chargés en méthane – gaz abondant dans les sédiments des fosses – et en sulfures, ils alimentent des chaînes chimiosynthétiques qui permettent la vie à de très grandes profondeurs. On a observé dans la fosse du Japon et la fosse des Kouriles des colonies de mollusques (Calyptogena ), associées à des gastéropodes, des échinodermes, des crustacés, etc., par 6 000 mètres de fond (photographie no 9), profondeur qui est proche de la limite de plongée des submersibles actuels (6 500 m pour le Shinkai 6500 japonais); tout conduit à penser que ces faunes existent à de plus grandes profondeurs encore. Avec les rifts médio-océaniques, les fosses océaniques sont donc le siège de la vie fixée la plus profonde de la planète .Autres fosses associées à la subductionLes fossés qui naissent au-dessus des plans de subduction, en arrière des arcs insulaires, représentent le premier stade de la naissance des mers marginales. Un cas spectaculaire est celui du fossé d’Okinawa, en arrière de l’arc des Ry ky (fig. 1), avec sa forme en graben limité par des blocs basculés: l’expansion n’y est qu’à ses débuts et ne semble avoir engendré une croûte océanique que très localement. Il en va de même pour la fosse de Crète, au nord de l’île éponyme, au-dessus et en arrière de la subduction de l’arc égéen. D’une façon plus générale, c’est ainsi que naissent les mers marginales – du moins certaines d’entre elles –, dont la nature de fosse s’atténue à mesure qu’elles s’élargissent [cf. MERS MARGINALES].Caractères géophysiquesLes fosses de subduction ont des caractères géophysiques bien tranchés. Comme toutes les fosses, elles présentent un déficit de gravité. Le flux de chaleur y est toujours faible, ce que l’on interprète par la plongée de la lithosphère océanique, solide et froide, dans l’asthénosphère plastique et chaude [cf. SUBDUCTION]. Quant à la sismicité, elle est caractérisée par une distribution des foyers des séismes selon une surface plongeant sous l’arc insulaire ou sous le continent, avec une pente variable, jusqu’à 700 kilomètres de profondeur [cf. TECTONIQUE DES PLAQUES]. Cette surface, lieu géométrique des foyers sismiques, a été découverte par le géophysicien japonais Kiyoo Wadati puis généralisée par le sismologue américain Hugo Benioff, d’où son nom de plan sismique de Wadati-Benioff. C’est en étudiant les mécanismes au foyer le long de ce plan que Bryan L. Isacks et Jack Oliver ont conçu le phénomène de subduction.3. Équivalents continentaux des fosses océaniquesLes fosses océaniques ont des homologues continentaux qui les prolongent parfois axialement (fig. 1).– Aux zones d’accrétion océanique avec rifts et failles transformantes correspondent les rifts intracontinentaux, dont les rifts est-africains sont l’exemple, et les couloirs de failles transformantes, comme le fossé du Jourdain, lié à la faille transformante du Levant (cf. REA et FL, fig. 1).Deux régions sont particulièrement significatives dans le monde. Le complexe Moyen-Orient-mer Rouge-rifts est-africains montre tous les détails de la naissance des zones océaniques: en effet, on peut y observer les rifts médians et les failles transformantes associées, depuis les zones encore continentales, comme les rifts est-africains eux-mêmes ou le fossé du Jourdain, jusqu’à celles qui sont devenues marines, comme la mer Rouge ou le golfe d’Aden, avec des zones clés comme le golfe de Tadjoura. L’ensemble Californie-Basse-Californie montre le passage d’une zone d’accrétion océanique – la ride est-pacifique – à un dispositif intracontinental où les failles transformantes prédominent (failles de la famille San Andreas); de même nature sont les relations de la faille alpine de Nouvelle-Zélande avec la dorsale médio-océanique qui court de l’océan Pacifique à l’océan Indien austral.– Sur les continents – ou dans les complexes insulaires –, les fosses de subduction peuvent passer aux zones de collision d’où naissent les grandes chaînes de montagnes (cf. CHAÎNES DE MONTAGNES – Typologie). On peut parfois suivre longitudinalement ce phénomène, comme depuis la fosse de Manille, dans laquelle se subducte la mer de Chine méridionale sous l’archipel des Philippines, jusqu’à l’île de Taiwan, où la subduction s’est achevée dans la collision de l’arc insulaire avec le continent asiatique. À une moindre échelle, le même phénomène se produit depuis la fosse de Los Muertos, au sud de l’île d’Hispaniola, jusqu’au fossé terrestre d’Enriquillo et à la plaine du Cul-de-Sac, dépression qui marque la zone de collision avec la péninsule sud-ouest d’Haïti, qui est une pièce rapportée tectoniquement au reste de l’île (cf. AMÉRI- QUE - Géologie).Ce passage de la subduction à la collision pose le problème de ce qu’on a appelé parfois la subduction continentale . Tel est le cas, en prolongement de l’Indonésie, de la suture péri-indienne dont est né l’Him laya: on sait que celui-ci est formé par l’empilement de lames de socle indien progressivement accrétées pour former la chaîne faîtière (cf. chaîne HIMALAYENNE). Encore, dans ce cas, une telle subduction continentale a-t-elle pris la suite de subductions océaniques classiques dont la trace se suit, au revers de l’Him laya, dans les sutures ophiolitiques successives, dont la plus récente est la suture du Tsangpo (Tibet), poursuivie par celle de l’Indus (Cachemire). Mais ce problème s’est aussi posé dans les régions purement intracontinentales, comme au front de la cordillère des Andes, où tout indique une zone de convergence crustale: de la sorte, la dépression des Llanos, qui court de la Colombie vers la haute Amazonie, aurait sens d’une fosse de subduction intracontinentale remplie de sédiments. Mais il s’agit là d’une extension peut-être excessive de la notion de subduction, comme de celle de fosse.Les fosses océaniques constituent des traits majeurs du relief terrestre : ce sont elles qui donnent les dénivellations les plus importantes, comme on peut s’en convaincre par l’étude d’une carte hypsométrique qui ne distingue pas continents et océans. On doit considérer en effet que le plus grand relief continental n’atteint que 8 887 mètres (Him laya), tandis que beaucoup de fosses dépassent 9 000 mètres et certaines 10 000 mètres de profondeur, et qu’il faut leur ajouter la hauteur de l’arc insulaire – ou de la marge continentale – qui les borde. De ce point de vue, la plus grande dénivellation du monde se trouve au droit de la fosse du Pérou-Chili, en face du Chili septentrional, là où à côté d’une fosse de près de 8 000 mètres de profondeur la cordillère des Andes atteint presque 7 000 mètres: cette dénivellation est pratiquement double de celle de l’Him laya.Qu’il s’agisse de l’extraordinaire continuité des rifts médio-océaniques sur plus de 60 000 kilomètres de longueur ou de la spectaculaire profondeur des fosses de subduction, les fosses océaniques sont bien un – sinon le – trait majeur du relief de la planète Terre.
Encyclopédie Universelle. 2012.